Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t2.djvu/399

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


ARSACE ET ISMÉNIE


HISTOIRE ORIENTALE.




Sur la fin du règne d’Artamène, la Bactriane fut agitée par les discordes civiles. Ce prince mourut accablé d’ennuis, et laissa son trône à sa fille Isménie. Aspar, premier eunuque du palais, eut la principale direction des affaires. Il désirait beaucoup le bien de l’État, et il désirait fort peu le pouvoir. Il connaissait les hommes, et jugeait bien des événements. Son esprit était naturellement conciliateur, et son âme semblait s’approcher de toutes les autres. La paix, qu’on n’osait plus espérer, fut rétablie. Tel fut le prestige d’Aspar ; chacun rentra dans le devoir, et ignora presque qu’il en fût sorti. Sans effort et sans bruit, il savait faire les grandes choses.

La paix fut troublée par le roi d’Hyrcanie. Il envoya des ambassadeurs pour demander Isménie en mariage ; et, sur ses refus, il entra dans la Bactriane. Cette entrée fut singulière. Tantôt il paraissait armé de toutes pièces, et prêt à combattre ses ennemis ; tantôt on le voyait vêtu comme un amant que l’amour conduit auprès de sa maîtresse. Il menait avec lui tout ce qui était propre à un appareil de noces : des danseurs, des joueurs d’instruments, des farceurs, des cuisiniers, des eunuques, des femmes ; et il menait avec lui une formidable armée. Il écrivait à la reine les lettres du monde les plus tendres, et, d’un autre côté,