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TIBÈRE ET LOUIS XI[1]




Tibère et Louis XI s’exilèrent de leur pays avant de parvenir à la suprême puissance. Ils furent tous deux braves dans les combats et timides dans la vie privée. Ils mirent leur gloire dans l’art de dissimuler. Ils établirent une puissance arbitraire. Ils passèrent leur vie dans le trouble et dans les remords, et la finirent dans le secret, le silence et la haine publique.

Mais si l’on examine bien ces deux princes, on sentira d’abord combien l’un était supérieur à l’autre. Tibère cherchait à gouverner les hommes, Louis ne songeait qu’à les tromper. Tibère ne laissa sortir ses vices qu’à mesure qu’il le pouvait faire impunément ; l’autre ne fut jamais le maître des siens. Tibère sut paraître vertueux lorsqu’il fallut qu’il se montrât tel ; celui-ci se discrédita dès le premier jour de son règne[2]. Enfin Louis avait de la

  1. Ces fragments ont été publiés en 1834 dans le Journal de la Gironde, par un de ses rédacteurs (M. H. Fonfrède ?) En tête sont les lignes suivantes :
        « Dans une courte visite que nous avons faite au château de la Brède, M. de Montesquieu a eu l’extrême obligeance de nous communiquer les manuscrits de son illustre aïeul, et nous a permis d’en extraire ces fragments inédits. »
        Je reproduis le texte d’après l’édition de Montesquieu donnée chez Debure en 1834 par M. Ravenel, préface, p. iii.
  2. « Louis XI ne vit dans le commencement de son règne que le commencement de sa vengeance. »
        « Il lui sembloit que pour qu’il vécût, il falloit qu’il fît violence à tous les gens de bien. »
        Ces deux pensées, qui faisaient partie de l’Histoire de Louis XI, com-