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POLITIQUE DES ROMAINS


les oracles lorsque le sénat l’avait ordonné, et en faisaient le rapport, y ajoutant leur avis ; ils étaient aussi commis pour exécuter tout ce qui était prescrit dans les livres des sibylles, et pour faire célébrer les jeux séculaires : de manière que toutes les cérémonies religieuses passaient par les mains des magistrats.

Les rois de Rome avaient une espèce de sacerdoce : il y avait de certaines cérémonies qui ne pouvaient être faites que par eux. Lorsque les Tarquins furent chassés, on craignait que le peuple ne s’aperçût de quelque changement dans la religion ; cela fit établir un magistrat appelé rex sacrorum, qui, dans les sacrifices, faisait les fonctions des anciens rois, et dont la femme était appelée regina sacrorum. Ce fut le seul vestige de royauté que les Romains conservèrent parmi eux[1].

Les Romains avaient cet avantage, qu’ils avaient pour législateur le plus sage prince dont l’histoire profane ait jamais parlé[2] : ce grand homme ne chercha pendant tout son règne qu’à faire fleurir la justice et l’équité, et il ne fit pas moins sentir sa modération à ses voisins qu’à ses sujets. Il établit les fécialiens, qui étaient des prêtres sans le ministère desquels on ne pouvait faire ni la paix ni la guerre. Nous avons encore des formulaires de serments faits par ces fécialiens quand on concluait la paix avec quelque peuple. Dans celle que Rome conclut avec Albe, un fécialien dit dans Tite-Live[3] : « Si le peuple romain est le premier à s’en départir, publico consilio dolove

  1. Machiavel, Discorsi, I, 25.
  2. La question est de savoir si Numa a jamais vécu, ou, si ayant existé, il a été le fondateur de la religion romaine. On est aujourd’hui moins disposé que Montesquieu à croire Tite-Live ou Denys d’Halicarnasse.
  3. Liv. I, chap. XXIV. (M.)