Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t2.djvu/380

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
364
POLITIQUE DES ROMAINS


jugeaient à leur fantaisie de la bonté des auspices, et ces auspices étaient une bride avec laquelle ils menaient le peuple. Cicéron ajoute : Hoc institutum reipublicœ causa est, ut comitiorum, vel in jure legum, vel in judiciis populi, vel in creandis magistratibus, principes civitatis essent interpretes[1]. Il avait dit auparavant qu’on lisait dans les livres sacrés : Jove tonante et fulgurante, comitia populi habere nefas esse[2]. Cela avait été introduit, dit-il, pour fournir aux magistrats un prétexte de rompre les assemblées du peuple[3]. Au reste, il était indifférent que la victime qu’on immolait se trouvât de bon ou de mauvais augure ; car lorsqu’on n’était pas content de la première, on en immolait une seconde, une troisième, une quatrième, qu’on appelait hostiœ succedaneœ. Paul Émile voulant sacrifier fut obligé d’immoler vingt victimes : les dieux ne furent apaisés qu’à la dernière, dans laquelle on trouva des signes qui promettaient la victoire. C’est pour cela qu’on avait coutume de dire que, dans les sacrifices, les dernières victimes valaient toujours mieux que les premières. César ne fut pas si patient que Paul Émile : ayant égorgé plusieurs victimes, dit Suétone[4], sans en trouver de favorables, il quitta les autels avec mépris, et entra dans le sénat.

Comme les magistrats se trouvaient maîtres des présages, ils avaient un moyen sur pour détourner le peuple d’une guerre qui aurait été funeste, ou pour lui en faire

  1. De divinatione, lib. II, p. 395. (M.)
  2. Ibid., p. 338. (M.)
  3. Hoc reipublicœ causa constitutum : comitiorum enim non habendorum causas esse voluerunt. Ibid. (M.)
  4. Pluribus hostiis cœsis, cum litare non posset, introiit curiam, spreta religione. In Jul. Cæs., lib. I, cap. LXXX. (M.)