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AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR.


vous revoir à ma cour. Mes sentiments pour vous sont toujours les mêmes, et jamais je ne cesserai d’être bien sincèrement, monsieur, votre bien affectionné.

« Stanislas, roi. »


Nommé par acclamation, Montesquieu voulut acquitter une dette de reconnaissance ; il écrivit Lysimaque, et le 4 avril 1751, il l’envoya de Paris à M. de Solignac, secrétaire de la Société littéraire de Nancy, en y joignant la lettre suivante :


« Monsieur, je crois ne pouvoir mieux faire mes remercîments à la Société littéraire, qu’en payant le tribut que je lui dois, avant même qu’elle me le demande, et en faisant mon devoir d’académicien au moment de ma nomination. Et comme je fais parler un monarque que ses grandes qualités élevèrent au trône de l’Asie, et à qui ces mêmes qualités firent éprouver de grands revers, je le peins comme le père de la patrie, l’amour et les délices de ses sujets ; j’ai cru que cet ouvrage convenait mieux à votre Société qu’à toute autre. Je vous supplie d’ailleurs de vouloir bien lui marquer mon extrême reconnaissance, etc. »


La Société de Nancy ne se méprit point sur l’intention qu’avait eu Montesquieu en choisissant un héros éprouvé par de longues infortunes, et devenu dans ses vieux jours le souverain adoré d’un peuple qu’il rend heureux. « Nous nous rappellerons longtemps avec plaisir les applaudissements que reçut cet ouvrage. Nous crûmes apercevoir dans Lysimaque l’objet continuel de notre admiration et de nos hommages[1]. » En deux mots, Lysimaque c’était Stanislas.

Toutefois on se tromperait beaucoup si l’on cherchait dans Lysimaque des allusions à la vie agitée du roi de Pologne, véritable roman d’aventures, qu’on est tout étonné de rencontrer au XVIIIe siècle. C’est la grandeur morale d’un prince éprouvé par l’infortune qu’a voulu peindre Montesquieu ; c’est par la force du caractère et par la bonté que Lysimaque fait penser à Stanislas.

M. Villemain a apprécié avec une grande finesse ces pages exquises :


« Ce talent singulier d’expliquer, de peindre et d’imiter l’antiquité ne

  1. Solignac, Éloge de Montesquieu, p. 31.