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DES ROMAINS, CHAP. XXII.


accusant à leur tour de magie[1] : et, montrant au peuple les églises dénuées d’images et de tout ce qui avait fait jusque-là l’objet de sa vénération, ils ne lui laissèrent point imaginer qu’elles pussent servir à d’autre usage qu’à sacrifier aux démons.

Ce qui rendait la querelle sur les images si vive et fit que, dans la suite, des gens sensés ne pouvaient pas proposer un culte modéré, c’est qu’elle était liée à des choses bien tendres : il était question de la puissance, et, les moines l’ayant usurpée, ils ne pouvaient l’augmenter ou la soutenir qu’en ajoutant sans cesse au culte extérieur, dont ils faisaient eux-mêmes partie. Voilà pourquoi les guerres contre les images furent toujours des guerres contre eux, et que, quand ils eurent gagné ce point, leur pouvoir n’eut plus de bornes.

Il arriva pour lors ce que l’on vit quelques siècles après dans la querelle qu’eurent Barlaam et Acyndine contre les moines[2], et qui tourmenta cet empire jusqu’à sa destruction. On disputait si la lumière qui apparut autour de Jésus-Christ sur le Thabor était créée ou incréée. Dans le fond, les moines ne se souciaient pas plus qu’elle fût l’un que l’autre ; mais, comme Barlaam les attaquait directement eux-mêmes, il fallait nécessairement que cette lumière fût incréée.

La guerre que les empereurs iconoclastes déclarèrent aux moines fit que l’on reprit un peu les principes du gouvernement, que l’on employa, en faveur du public,

  1. Léon le Grammairien, Vie de Léon l’Arménien. Ibid. Vie de Théophile. Voyez Suidas, à l’article Constantin, fils de Léon. (M.)
  2. Contre les moines du mont Athos, en 1339.