Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t2.djvu/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
307
DES ROMAINS, CHAP. XXII.

Ce sont bien d’autres larmes, celles de ces Arabes qui pleurèrent de douleur de ce que leur général avait fait une trêve qui les empêchait de répandre le sang des chrétiens[1].

C’est que la différence est totale entre une armée fanatique et une armée bigote. On le vit, dans nos temps modernes, dans une révolution fameuse, lorsque l’armée de Cromwell était comme celle des Arabes, et les armées d’Irlande et d’Écosse, comme celle des Grecs.

Une superstition grossière, qui abaisse l’esprit autant que la religion l’élève, plaça toute la vertu et toute la confiance des hommes dans une ignorante stupidité pour les images, et l’on vit des généraux lever un siège[2] et perdre une ville[3] pour avoir une relique.

La religion chrétienne dégénéra, sous l’empire grec, au point où elle était de nos jours chez les Moscovites, avant que le czar Pierre Ier eût fait renaître cette nation et introduit plus de changements dans un État qu’il gouvernait, que les conquérants n’en font dans ceux qu’ils usurpent[4].

On peut aisément croire[5] que les Grecs tombèrent dans une espèce d’idolâtrie[6]. On ne soupçonnera pas les Italiens ni les Allemands de ce temps-là d’avoir été peu attachés au culte extérieur. Cependant, lorsque les historiens grecs parlent du mépris des premiers pour les reliques et les

  1. Histoire de la conquête de la Syrie, de la Perse et de l’Égypte par les Sarrasins, par M. Ockley. (M.)
  2. Zonaras, Vie de Romain Lacapène. (M.)
  3. Nicétas, Vie de Jean Comnène. (M.)
  4. Esprit des lois, XIX, 14.
  5. Ce paragraphe est en note dans A.
  6. A. Tombèrent dans l’idolâtrie. Voici mon raisonnement. On ne soupçonnera pas, etc.