Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t2.djvu/315

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
299
GRANDEUR DES ROMAINS, CHAP. XXI.


« Nous savons, disait un ambassadeur de Hormisdas[1], que les Romains sont occupés à plusieurs guerres et ont à combattre contre presque toutes les nations. Ils savent, au contraire, que nous n’avons de guerre que contre eux. »

Autant que les Romains avaient négligé l’art militaire, autant les Perses l’avaient-ils cultivé. « Les Perses, disait Bélisaire à ses soldats, ne vous surpassent point en courage ; ils n’ont sur vous que l’avantage de la discipline. »

Ils prirent, dans les négociations, la même supériorité que dans la guerre. Sous prétexte qu’ils tenaient une garnison aux portes Caspiennes, ils demandaient un tribut aux Romains ; comme si chaque peuple n’avait pas ses frontières à garder. Ils se faisaient payer pour la paix, pour les trêves, pour les suspensions d’armes, pour le temps qu’on employait à négocier, pour celui qu’on avait passé à faire la guerre.

Les Avares ayant traversé le Danube, les Romains, qui, la plupart du temps, n’avaient point de troupes à leur opposer, occupés contre les Perses lorsqu’il aurait fallu combattre les Avares, et contre les Avares quand il aurait fallu arrêter les Perses, furent encore forcés de se soumettre à un tribut, et la majesté de l’Empire fut flétrie chez toutes les nations.

Justin, Tibère et Maurice travaillèrent avec soin à défendre l’Empire. Ce dernier avait des vertus ; mais elles étaient ternies par une avarice presque inconcevable dans un grand prince.

Le roi des Avares offrit à Maurice de lui rendre les

  1. Ambassades de Ménandre. (M.) Hormisdas IV, roi des Perses, règna de l'an 579 à 592.