Ce qu’il y avait de désespérant, c’est que, pendant que l’Empereur portait si loin l’intolérance, il ne convenait pas lui-même[1] avec l’Impératrice sur les points les plus essentiels : il suivait le concile de Chalcédoine[2], et l’Impératrice favorisait ceux qui y étaient opposés, soit qu’ils fussent de bonne foi, dit Évagre, soit qu’ils le fissent à dessein[3].
Lorsqu’on lit Procope sur les édifices de Justinien, et qu’on voit les places et les forts que ce prince fit élever partout, il vient toujours dans l’esprit une idée, mais bien fausse, d’un État florissant.
D’abord, les Romains n’avaient point de places : ils mettaient toute leur confiance dans leurs armées, qu’ils plaçaient le long des fleuves, où ils élevaient des tours de distance en distance, pour loger les soldats.
Mais, lorsqu’on n’eut plus que de mauvaises armées, que souvent même on n’en eut point du tout[4], la frontière ne défendant plus l’intérieur, il fallut le fortifier, et alors on eut plus de places et moins de forces, plus de retraites et moins de sûreté[5]. La campagne, n’étant plus habitable qu’autour des places fortes, on en bâtit de toutes parts. Il en était comme de la France du temps des Nor-
- ↑ Il ne s'accordait pas.
- ↑ C'est dans ce concile qu'on proclama l'union de la nature divine et de la nature humaine en Jésus-Christ.
- ↑ Liv. IV, ch. X. (M.)
- ↑ A. de mauvaises armées, et souvent point du tout.
- ↑ Auguste avait établi neuf frontières ou marches : sous les empereurs suivants le nombre en augmenta. Les barbares se montraient là où ils n’avaient point encore paru. Et Dion, liv. LV, rapporte que de son temps, sous l’empire d’Alexandre, il y en avait treize. On voit par la notice de l’empire, écrite depuis Arcadius et Honorius, que dans le seul empire d’Orient il y en avait quinze. Le nombre en augmenta toujours. La Pamphylie, la Lycaonie, la Pisidie, devinrent des marches ; et tout l’empire fut couvert de fortifications. Aurélien avait été obligé de fortifier Rome. (M.)