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DES ROMAINS, CHAP. XIX.


Grèce, seuls pays où il y eut alors quelque commerce. Les Vandales et d’autres peuples attaquaient partout les côtes d’Occident ; il vint une ambassade des Italiens à Constantinople, dit Priscus[1], pour faire savoir qu’il était impossible que les affaires se soutinssent sans une réconciliation avec les Vandales[2].

Ceux qui gouvernaient en Occident ne manquèrent pas de politique. Ils jugèrent qu’il fallait sauver l’Italie, qui était en quelque façon la tête et en quelque façon le cœur de l’Empire. On fit passer les Barbares aux extrémités, et on les y plaça. Le dessein était bien conçu ; il fut bien exécuté. Ces nations ne demandaient que la subsistance : on leur donnait les plaines ; on se réservait les pays montagneux, les passages des rivières, les défilés, les places sur les grands fleuves : on gardait la souveraineté. Il y a apparence que ces peuples auraient été forcés de devenir Romains, et la facilité avec laquelle ces destructeurs furent eux-mêmes détruits par les Francs, par les Grecs, par les Maures, justifie assez cette pensée. Tout ce système fut renversé par une révolution plus fatale que toutes les autres. L’armée d’Italie, composée d’étrangers, exigea ce qu’on avait accordé à des nations plus étrangères encore : elle forma, sous Odoacre, une aristocratie, qui se donna le tiers des terres de l’Italie, et ce fut le coup mortel porté à cet empire[3].

Parmi tant de malheurs, on cherche avec une curiosité triste le destin de la ville de Rome. Elle était, pour ainsi dire, sans défense ; elle pouvait être aisément affamée ; l’étendue de ses murailles faisait qu’il était très

  1. Priscus, liv. II. (M.)
  2. Ce paragraphe manque dans A.
  3. Ce paragraphe n’est point dans A.