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GRANDEUR ET DÉCADENCE


à rétablir la discipline militaire : entreprise qui coûtait toujours la vie à celui qui osait la tenter.

Quand Caracalla eut été tué par les embûches de Macrin, les soldats, désespérés d’avoir perdu un prince qui donnait sans mesure, élurent Héliogabale[1] ; et, quand ce dernier, qui, n’étant occupé que de ses sales voluptés, les laissait vivre à leur fantaisie, ne put plus être souffert, ils le massacrèrent. Ils tuèrent de même Alexandre, qui voulait rétablir la discipline et parlait de les punir[2].

Ainsi un tyran[3], qui ne s’assurait point la vie, mais le pouvoir de faire des crimes, périssait, avec ce funeste avantage que celui qui voudrait faire mieux périrait après lui.

Après Alexandre, on élut Maximin, qui fut le premier empereur d’une origine barbare. Sa taille gigantesque et la force de son corps l’avaient fait connaître.

Il fut tué avec son fils par ses soldats. Les deux premiers Gordiens périrent en Afrique. Maxime, Balbin et le troisième Gordien furent massacrés. Philippe, qui avait fait tuer le jeune Gordien, fut tué lui-même avec son fils. Et Dèce, qui fut élu en sa place, périt à son tour par la trahison de Gallus[4].

  1. Dans ce temps-là tout le monde se croyait bon pour parvenir à l’empire. Voyez Dion, liv. LXXIX. (M.)
  2. Voyez Lampridius, in vita Alex. Severi, C. LXX. (M.)
  3. A met ici la note suivante : Ces libéralités faites aux soldats venaient d’une pratique ancienne dans la république ; celui qui triomphait distribuait quelques deniers à chaque soldat : c’était peu de chose. Dans les guerres civiles, les soldats et le chef étant également corrompus, ces dons devinrent immenses, quoiqu’ils fussent pris sur les biens des citoyens, et les soldats voulaient un partage là où il n’y avait pas de butin. César, Octave, Antoine, donnèrent souvent jusqu’à cinq mille deniers au simple soldat, le double au chef de file, aux autres à proportion. Un denier romain valait dix as ou dix livres de cuivre. (M.)
  4. Casaubon remarque sur l’histoire augustale, que, dans les cent soixante