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GRANDEUR ET DÉCADENCE


que ces peuples, qui s’étaient ordinairement contentés de se défendre, furent dans la suite presque toujours agresseur[1].

Il est remarquable que, dans cette suite de guerres civiles qui s’élevèrent continuellement, ceux qui avaient les légions d’Europe vainquirent presque toujours ceux qui avaient les légions d’Asie[2], et l’on trouve dans l’histoire de Sévère qu’il ne put prendre la ville d’Atra, en Arabie, parce que, les légions d’Europe s’étant mutinées, il fut obligé de se servir de celles de Syrie.

On sentit cette différence depuis qu’on commença à faire des levées dans les provinces[3] ; et elle fut telle entre les légions qu’elle était entre les peuples mêmes, qui, par la nature et par l’éducation, sont plus ou moins propres pour la guerre.

Ces levées faites dans les provinces produisirent un autre effet : les empereurs[4], pris ordinairement dans la

  1. C’est-à-dire les Perses qui les suivirent. (M.)
  2. Sévère défit les légions asiatiques de Niger ; Constantin, celles de Licinius. Vespasien, quoique proclamé par les armées de Syrie, ne fit la guerre à Vitellius qu’avec des légions de Moesie, de Pannonie et de Dalmatie. Cicéron, étant dans son gouvernement, écrivait au sénat qu’on ne pouvait compter sur les levées faites en Asie. Constantin ne vainquit Maxence, dit Zosime, que par sa cavalerie. Sur cela voyez ci-dessous le septième alinéa du chapitre XXII. (M.)
  3. Auguste rendit les légions des corps fixes, et les plaça dans les provinces. Dans les premiers temps, on ne faisait des levées qu’à Rome, ensuite chez les Latins, après dans l’Italie, enfin dans les provinces. (M.)
    A. ajoute : Cicéron, étant dans son gouvernement, écrivoit au Sénat : « Vous ne pouvez compter sur les levées faites dans ce pays-ci ; Bibulus ayant une commission pour en faire en Asie, n'en a rien voulu faire. » Vespasien, proclamé empereur par les armées de Syrie et de Judée, ne fit la guerre à Vitellius qu'avec les légions de Mœsie, de Paumonie et de Dalamatie. Sévère défit les légions asiatiques de Niger ; Constantin celles de Licinius. (M.)
  4. A : C'est que les empereurs, etc.