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CHAPITRE XV.


DES EMPEREURS, DEPUIS CAIUS CALIGULA
JUSQU’À ANTONIN.


Caligula succéda à Tibère. On disait de lui qu’il n’y avait jamais eu un meilleur esclave, ni un plus méchant maître. Ces deux choses sont assez liées : car la même disposition d’esprit qui fait qu’on a été vivement frappé de la puissance illimitée de celui qui commande fait qu’on ne l’est pas moins lorsque l’on vient à commander soi-même.

Caligula rétablit les comices[1], que Tibère avait ôtés, et abolit ce crime arbitraire de lèse-majesté qu’il avait établi. Par où l’on peut juger que le commencement du règne des mauvais princes est souvent comme la fin de celui des bons ; parce que, par un esprit de contradiction sur la conduite de ceux à qui ils succèdent, ils peuvent faire ce que les autres font par vertu, et c’est à cet esprit de contradiction que nous devons bien de bons règlements, et bien des mauvais aussi[2].

Qu’y gagna-t-on ? Caligula ôta les accusations des crimes de lèse-majesté, mais il faisait mourir militairement tous ceux qui lui déplaisaient ; et ce n’était pas à

  1. Il les ôta dans la suite. (M.)
  2. A. Et bien des mauvais aussi.