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GRANDEUR ET DÉCADENCE


donc à établir le gouvernement le plus capable de plaire qui fût possible sans choquer ses intérêts, et il en fit un aristocratique par rapport au civil et monarchique par rapport au militaire : gouvernement ambigu, qui, n’étant pas soutenu par ses propres forces, ne pouvait subsister que tandis qu’il plairait au monarque, et était entièrement monarchique, par conséquent.

On a mis en question si Auguste avait eu véritablement le dessein de se démettre de l’empire. Mais qui ne voit que, s’il l’eût voulu, il était impossible qu’il n’y eût réussi ? Ce qui fait voir que c’était un jeu, c’est qu’il demanda tous les dix ans qu’on le soulageât de ce poids, et qu’il le porta toujours. C’étaient de petites finesses pour se faire encore donner ce qu’il ne croyait pas avoir assez acquis. Je me détermine par toute la vie d’Auguste, et, quoique les hommes soient fort bizarres, cependant il arrive très rarement qu’ils renoncent dans un moment à ce à quoi ils ont réfléchi pendant toute leur vie. Toutes les actions d’Auguste, tous ses règlements, tendaient visiblement à l’établissement de la monarchie. Sylla se défait de la dictature ; mais, dans toute la vie de Sylla, au milieu de ses violences, on voit un esprit républicain : tous ses règlements, quoique tyranniquement exécutés, tendent toujours à une certaine forme de république. Sylla, homme emporté, mène violemment les Romains à la liberté ; Auguste, rusé tyran[1], les conduit doucement à

    ordinaires : il se fit appeler empereur pour conserver son autorité sur les légions, se fit créer tribun pur disposer du peuple, et prince du sénat, pour le gouverner. »

  1. J’emploie ici ce mot dans le sens des Grecs et des Romains, qui donnaient ce nom à tous ceux qui avaient renversé la démocratie. (M.) A ajoute : Car d’ailleurs, depuis la loi du peuple, Auguste était devenu