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GRANDEUR ET DÉCADENCE


battu, elles se donnaient à l’autre[1] ; car il fallait que chaque ville songeât à se justifier devant le vainqueur, qui, ayant des promesses immenses à tenir aux soldats, devait leur sacrifier les pays les plus coupables.

Nous avons eu en France deux sortes de guerres civiles : les unes avaient pour prétexte la religion, et elles ont duré, parce que le motif subsistait après la victoire ; les autres n’avaient pas proprement de motif, mais étaient excitées par la légèreté ou l’ambition de quelques grands, et elles étaient d’abord étouffées[2].

Auguste (c’est le nom que la flatterie donna à Octave[3]) établit l’ordre, c’est-à-dire une servitude durable ; car, dans un État libre où l’on vient d’usurper la souveraineté, on appelle règle tout ce qui peut fonder l’autorité sans bornes d’un seul, et on nomme trouble, dissension, mauvais gouvernement, tout ce qui peut maintenir l’honnête liberté des sujets.

Tous les gens qui avaient eu des projets ambitieux avaient travaillé à mettre une espèce d’anarchie dans la République. Pompée, Crassus et César y réussirent à merveille : ils établirent une impunité de tous les crimes publics ; tout ce qui pouvait arrêter la corruption des mœurs, tout ce qui pouvait faire une bonne police[4], ils l’abolirent ; et, comme les bons législateurs cherchent à rendre leurs concitoyens meilleurs, ceux-ci travaillaient à les rendre pires. Ils introduisirent donc la coutume de

  1. Il n’y avait point de garnisons dans les villes pour les contenir ; et les Romains n’avaient eu besoin d’assurer leur empire que par des armées ou des colonies. (M.)
  2. Allusion aux guerres de la Fronde.
  3. Suet., in Aug., C. VII.
    La plupart des ambitieux qui s’élèvent prennent de nouveaux titres pour autoriser un nouveau pouvoir. Mais Auguste voulut cacher une puissance nouvelle sous des noms connus et des dignités ordinaires : il se fit appeler empereur, pour conserver son autorité sur les légions ; se fit créer tribun, pour disposer du peuple ; et prince, pour le gouverner. (Saint-Évremond).
  4. Un bon gouvernement.