la vertu ; chez Caton, c’était la gloire[1] ; Cicéron se voyait toujours le premier ; Caton s’oubliait toujours. Celui-ci voulait sauver la République pour elle-même ; celui-là, pour s’en vanter.
Je pourrais continuer le parallèle en disant que, quand Caton prévoyait, Cicéron craignait ; que, là où Caton espérait, Cicéron se confiait ; que le premier voyait toujours les choses de sang-froid ; l’autre, au travers de cent petites passions.
Antoine fut défait à Modène ; les deux consuls Hirtius et Pansa y périrent. Le Sénat, qui se crut au-dessus de ses affaires, songea à abaisser Octave, qui, de son côté, cessa d’agir contre Antoine, mena son armée à Rome, et se fit déclarer consul.
Voilà comment Cicéron, qui se vantait que sa robe avait détruit les armées d’Antoine, donna à la République un ennemi plus dangereux, parce que son nom était plus cher et ses droits, en apparence, plus légitimes[2].
Antoine, défait, s’était réfugié dans la Gaule transalpine, où il avait été reçu par Lépidus. Ces deux hommes s’unirent avec Octave[3], et ils se donnèrent l’un à l’autre la vie de leurs amis et de leurs ennemis[4]. Lépide resta à
- ↑ Esse quam videri bonus malebat : itaque, quo minus gloriam petebat, eo magis illam assequebatur, Salluste, De Bello Catil., ch. LIV. (M.) Montaigne n’est pas moins dur pour Cicéron ; mais il me semble qu’on s’arrête trop à l’innocente vanité du personnage ; on oublie les services qu’il a rendus à la république, et la noblesse de sa mort. Si nous avions les confessions de Caton, comme nous avons celles de Cicéron, peut-être serions-nous moins sévères. Je m’en tiendrai au jugement d’Auguste, qui, après l’avoir livré à l’infâme Antoine, reconnaissoît en Cicéron un grand citoyen, ami de sa patrie. Plutarque, Vie de Cicéron, ch. XLVI.
- ↑ Il étoit héritier de César, et son fils par adoption. (M.)
- ↑ A. Ces deux hommes convinrent avec Octave.
- ↑ Leur cruauté fut si insensée qu’ils ordonnèrent que chacun eût à se réjouir des proscriptions, sous peine de la vie. Voyez Dion. (M.)