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GRANDEUR ET DÉCADENCE


une cause impie et une victoire encore plus honteuse, ne confisqua pas seulement les biens des particuliers, mais enveloppa dans la même calamité des provinces entières[1].

Sylla, quittant la dictature[2], avait semblé ne vouloir vivre que sous la protection de ses lois mêmes. Mais cette action, qui marqua tant de modération, était elle-même une suite de ses violences. Il avait donné des établissements à quarante-sept légions dans divers endroits de l’Italie. Ces gens-là, dit Appien, regardant leur fortune comme attachée à sa vie, veillaient à sa sûreté et étaient toujours prêts à le secourir ou à le venger[3].

La République devant nécessairement périr, il n’était plus question que de savoir comment et par qui elle devait être abattue[4].

Deux hommes également ambitieux, excepté que l’un ne savait pas aller à son but si directement que l’autre, effacèrent par leur crédit, par leurs exploits, par leurs vertus, tous les autres citoyens : Pompée parut le premier, et César le suivit de près.

Pompée, pour s’attirer la faveur, fit casser les lois de Sylla qui bornaient le pouvoir du peuple, et, quand il eut fait à son ambition un sacrifice des lois les plus salutaires de sa patrie, il obtint tout ce qu’il voulut, et la témérité du peuple fut sans bornes à son égard.

Les lois de Rome avaient sagement divisé la puissance publique en un grand nombre de magistratures, qui se soutenaient, s’arrêtaient, et se tempéraient l’une l’autre ; et, comme elles n’avaient toutes qu’un pouvoir borné,

  1. Ce paragraphe, traduit de Cicéron, est en note dans A.
  2. Ce paragraphe n’est point dans A.
  3. On peut voir ce qui arriva après la mort de César. (M.) Inf. ch. XL.
  4. Lettres de Cicéron à Atticus, VII, 5.