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DES ROMAINS, CHAP. XI.


fureur de ses succès, il avoit fait des choses qui mirent Rome dans l’impossibilité de conserver sa liberté.

Il ruina[1], dans son expédition d’Asie, toute la discipline militaire : il accoutuma son armée aux rapines[2] et lui donna des besoins qu’elle n’avait jamais eus. Il corrompit une fois des soldats, qui devaient dans la suite corrompre les capitaines.

Il entra dans Rome à main armée et enseigna aux généraux romains à violer l’asile de la liberté[3].

Il donna les terres des citoyens aux soldats[4], et il les rendit avides pour jamais[5] ; car, dès ce moment, il n’y eut plus un homme de guerre qui n’attendît une occasion qui pût mettre les biens de ses concitoyens entre ses mains.

Il inventa les proscriptions et mit à prix la tête de tous ceux[6] qui n’étaient pas de son parti. Dès lors, il fut impossible de s’attacher davantage à la République ; car, parmi deux hommes ambitieux, et qui se disputaient la victoire, ceux qui étaient neutres et pour le parti de la liberté étaient sûrs d’être proscrits par celui des deux qui serait le vainqueur. Il était donc de la prudence de s’attacher à l’un des deux.

Il vint après lui, dit Cicéron[7], un homme[8] qui, dans

  1. Ce paragraphe et le suivant ne sont point dans A.
  2. Voyez, dans la Conjuration de Catilina, ch. XI et XII, le portrait que Salluste nous fait de cette armée. (M.)
  3. Fugatis Marii copiis, primus urbem Romam cum armis ingressus est. Fragment de Jean d’Antioche, dans l’Extrait des vertus et des vices. (M.)
  4. On distribua bien au commencement une partie des terres des ennemis vaincus ; mais Sylla donnait les terres des citoyens. (M.)
  5. A. Et par là il les corrompit pour jamais.
  6. A. B. De tous ceux.
  7. Offices, liv. II, ch. VIII. (M.) — Secutus est, qui in causa impia, victoria etiam fædiore, non singulorum civium bona publicaret, sed universas provincias regionesque uno calamitatis jure comprehenderet.
  8. Jules César.