qu’elles y devaient toujours être[1]. Ce fut uniquement la grandeur de la République qui fit le mal, et qui changea en guerres civiles les tumultes populaires. Il fallait bien qu’il y eût à Rome des divisions, et ces guerriers si fiers, si audacieux, si terribles au-dehors, ne pouvaient pas être bien modérés au-dedans. Demander, dans un État libre, des gens hardis dans la guerre et timides dans la paix, c’est vouloir des choses impossibles, et, pour règle générale, toutes les fois qu’on verra tout le monde tranquille dans un État qui se donne le nom de république, on peut être assuré que la liberté n’y est pas.
Ce qu’on appelle union dans un corps politique est une chose très équivoque : la vraie est une union d’harmonie, qui fait que toutes les parties, quelque opposées qu’elles nous paraissent, concourent au bien général de la société, comme des dissonances dans la musique concourent à l’accord total. Il peut y avoir de l’union dans un État où l’on ne croit voir que du trouble, c’est-à-dire une harmonie d’où résulte le bonheur, qui seul est la vraie paix[2]. Il en est comme des parties de cet univers, éternellement liées par l’action des unes et la réaction des autres.
Mais, dans l’accord du despotisme asiatique[3], c’est-à-
- ↑ Avant Montesquieu, Machiavel avait fait la même remarque. Discours politiques, liv. I, chap. IV. Dans la tranquillité du XVIIe et du XVIIIe siècle on ne comprend plus que ces agitations de la liberté ne sont qu’apparentes ; c’est l’effervescence d’un peuple qui fait lui-même ses affaires, et qui ne se vit pas esclave muet du souverain. Au XVIe siècle, parmi les guerres et les discordes civiles, on appréciait mieux la vie romaine ; il en est de même aujourd’hui. Pour juger de la liberté et de ses effets, il faut en jouir. Voyez inf., chap. XIII, les judicieuses réflexions de l’auteur sur l’ordre qu’établit Auguste.
- ↑ Cic., de Rep. II, XLI.
- ↑ Asiatique n’est pas dans la première édition et ne se trouve qu’a l’erratum de la seconde édition de 1734.