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CHAPITRE IX.


DEUX CAUSES DE LA PERTE DE ROME.


Lorsque la domination de Rome était bornée dans l’Italie, la République pouvait facilement subsister. Tout soldat était également citoyen : chaque consul levait une armée, et d’autres citoyens allaient à la guerre sous celui qui succédait. Le nombre des troupes n’étant pas excessif, on avait attention à ne recevoir dans la milice que des gens qui eussent assez de bien pour avoir intérêt à la conservation de la ville[1]. Enfin[2] le Sénat voyait de près la conduite des généraux et leur ôtait la pensée de rien faire contre leur devoir.

Mais, lorsque les légions passèrent les Alpes et la mer, les gens de guerre, qu’on était obligé de laisser pendant plusieurs campagnes dans les pays que l’on soumettait,

  1. Les affranchis et ceux qu’on appelait capite censi, parce que, ayant très peu de bien, ils n’étaient taxés que pour leur tête, ne furent point d’abord enrôlés dans la milice de terre, excepté dans les cas pressants. Servius Tullius les avait mis dans la sixième classe, et on ne prenait des soldats que dans les cinq premières. Mais Marius, partant contre Jugurtha, enrôla indifféremment tout le monde : Milites scribere, dit Salluste, non more majorum, neque classibus, sed uti cujusque libido erat, capite censos plerosque. De bello Jugurth. Remarquez que, dans la division par tribus, ceux qui étaient dans les quatre tribus de la ville étaient à peu près les mêmes que ceux qui, dans la division par centuries, étaient dans la sixième classe. (M.)
  2. Enfin manque dans A.