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DES ROMAINS, CHAP. V.

Les forces des rois d’Égypte, comme celles des autres rois d’Asie, consistaient dans leurs auxiliaires grecs. Outre l’esprit de liberté, d’honneur et de gloire qui animait les Grecs, ils s’occupaient sans cesse à toutes sortes d’exercices du corps : ils avaient dans leurs principales villes des jeux établis, où les vainqueurs obtenaient des couronnes aux yeux de toute la Grèce ; ce qui donnait une émulation générale. Or, dans un temps où l’on combattait avec des armes dont le succès dépendait de la force et de l’adresse de celui qui s’en servait, on ne peut douter que des gens ainsi exercés n’eussent de grands avantages sur cette foule de Barbares pris indifféremment, et menés sans choix à la guerre, comme les armées de Darius le firent bien voir.

Les Romains, pour priver les rois d’une telle milice et leur ôter sans bruit leurs principales forces, firent deux choses : premièrement, ils établirent peu à peu comme une maxime, chez les villes grecques, qu’elles ne pourraient avoir aucune alliance, accorder du secours ou faire la guerre à qui que ce fût, sans leur consentement ; de plus, dans leurs traités avec les rois, ils leur défendirent de faire aucunes levées chez les alliés des Romains ; ce qui les réduisit à leurs troupes nationales[1].

    étoient presque toujours entre les mains d'autres princes de cette maison, avec des prétentions respectives sur le tout, il arrivoit que ces rois étoient toujours sur un trône chancelant, etc.

  1. Ils avaient déjà eu cette politique avec les Carthaginois, qu’ils obligèrent par le traité à ne plus se servir de troupes auxiliaires, comme on le voit dans un fragment de Dion. (M.)