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GRANDEUR ET DÉCADENCE


l’ambition des hommes ; lorsque les Romains les passèrent, les Parthes les firent presque toujours périr[1] ; quand les Parthes osèrent les passer, ils furent d’abord obligés de revenir ; et, de nos jours, les Turcs, qui ont avancé au-delà de ces limites, ont été contraints d’y rentrer.

Les rois de Syrie et d’Égypte avaient dans leur pays deux sortes de sujets : les peuples conquérants et les peuples conquis. Ces premiers, encore pleins de l’idée de leur origine, étaient très difficilement gouvernés ; ils n’avaient point cet esprit d’indépendance qui nous porte à secouer le joug, mais cette impatience qui nous fait désirer de changer de maître.

Mais la faiblesse principale du royaume de Syrie venait de celle de la Cour, où régnaient des successeurs de Darius, et non pas d’Alexandre. Le luxe, la vanité et la mollesse, qui, en aucun siècle, n’ont quitté les cours d’Asie, régnaient surtout dans celle-ci. Le mal passa au peuple et aux soldats et devint contagieux pour les Romains mêmes, puisque la guerre qu’ils firent contre Antiochus est la vraie époque de leur corruption.

Telle était la situation du royaume de Syrie lorsqu’Antiochus, qui avait fait de grandes choses, entreprit la guerre contre les Romains. Mais il ne se conduisit pas même avec la sagesse que l’on emploie dans les affaires ordinaires. Annibal voulait qu’on renouvelât la guerre en Italie, et qu’on gagnât Philippe, ou qu’on le rendît neutre. Antiochus ne fit rien de cela. Il se montra dans la Grèce avec une petite partie de ses forces, et, comme s’il avait voulu y voir la guerre, et non pas la faire, il ne fut occupé

  1. J’en dirai les raisons au chapitre XV. Elles sont tirées en partie de la disposition géographiques des deux empires. (M.)