la pensée de porter la guerre en Afrique ; Scipion y descendit ; les succès qu’il y eut obligèrent les Carthaginois à rappeler d’Italie Annibal, qui pleura de douleur en cédant aux Romains cette terre où il les avait tant de fois vaincus.
Tout ce que peut faire un grand homme d’État et un grand capitaine, Annibal le fit pour sauver sa patrie. N’ayant pu porter Scipion à la paix, il donna une bataille où la Fortune sembla prendre plaisir à confondre son habileté, son expérience et son bon sens.
Carthage reçut la paix, non pas d’un ennemi, mais d’un maître : elle s’obligea de payer dix mille talents[1] en cinquante années, à donner des otages, à livrer ses vaisseaux et ses éléphants, à ne faire la guerre à personne sans le consentement du peuple romain ; et, pour la tenir toujours humiliée, on augmenta la puissance de Massinisse, son ennemi éternel.
Après l’abaissement des Carthaginois, Rome n’eut presque plus que de petites guerres et de grandes victoires, au lieu qu’auparavant elle avait eu de petites victoires et de grandes guerres[2].
Il y avait dans ces temps-là comme deux mondes séparés : dans l’un combattaient les Carthaginois et les Romains ; l’autre était agité par des querelles qui duraient depuis la mort d’Alexandre ; on n’y pensait point à ce qui se passait en Occident[3] ; car, quoique Philippe, roi de Macédoine, eût fait un traité avec Annibal, il n’eut presque point de suite, et ce prince, qui n’accorda aux Car-