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CHAPITRE V.


DE L’ÉTAT DE LA GRÈCE, DE LA MACÉDOINE,
DE LA SYRIE ET DE L’ÉGYPTE
APRÈS L’ABAISSEMENT DES CARTHAGINOIS.


Je m’imagine qu’Annibal disait très peu de bons mots, et qu’il en disait encore moins en faveur de Fabius et de Marcellus contre lui-même. J’ai du regret de voir Tite-Live[1] jeter ses fleurs sur ces énormes colosses de l’Antiquité ; je voudrais qu’il eût fait comme Homère, qui néglige de les parer et sait si bien les faire mouvoir[2].

Encore faudrait-il que les discours qu’on fait tenir à Annibal fussent sensés. Que si, en apprenant la défaite de son frère, il avoua qu’il en prévoyait la ruine de Carthage, je ne sache rien de plus propre à désespérer des peuples qui s’étaient donnés à lui, et à décourager une armée qui attendait de si grandes récompenses après la guerre.

Comme les Carthaginois, en Espagne, en Sicile, en Sardaigne, n’opposaient aucune armée qui ne fût malheureuse, Annibal, dont les ennemis se fortifiaient sans cesse[3], fut réduit à une guerre défensive. Cela donna aux Romains

  1. Liv. XXVII, ch. LI.
  2. Ce paragraphe et le suivant ne sont point dans A. Le chapitre commence par la phrase : Comme les Carthaginois, etc.
  3. A. ajoute : Et qui ne recevoit que peu de secours.