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GRANDEUR ET DÉCADENCE


que dans les guerres que les Romains firent en Grèce qu’ils changèrent de manière, comme nous l’apprenons de Polybe[1].

Dans la première guerre punique, Régulus fut battu dès que les Carthaginois choisirent les plaines pour faire combattre leur cavalerie, et, dans la seconde, Annibal dut à ses Numides ses principales victoires[2].

Scipion, ayant conquis l’Espagne et fait alliance avec Massinisse, ôta aux Carthaginois cette supériorité ; ce fut la cavalerie numide qui gagna la bataille de Zama et finit la guerre.

Les Carthaginois avaient plus d’expérience sur la mer et connaissaient mieux la manœuvre que les Romains ; mais il me semble que cet avantage n’était pas pour lors si grand qu’il le serait aujourd’hui.

Les Anciens, n’ayant pas la boussole, ne pouvaient guère naviguer que sur les côtes ; aussi ils ne se servaient que de bâtiments à rames, petits et plats ; presque toutes les rades étaient pour eux des ports ; la science des pilotes était très bornée, et leur manœuvre, très peu de chose. Aussi Aristote disait-il[3] qu’il était inutile d’avoir un corps de mariniers, et que les laboureurs suffisaient pour cela[4].

L’art[5] était si imparfait qu’on ne faisait guère avec mille rames que ce qui se fait aujourd’hui avec cent[6].

  1. Livre VI, ch. XXV. (M.)
  2. Des corps entiers de Numides passèrent à côté des Romains, qui dès lors commencèrent à respirer. (M.)
  3. Polit. liv. VII, chap. VI. (M.)
  4. La phrase : Aussi Aristote, etc., n'est point dans A.
  5. A. Leur art même, etc.
  6. Voyez ce que dit Perrault sur les rames des anciens. Essai de physique, tit. III, Mécanique des anciens. (M.)