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PRÉFACE DE L’ÉDITEUR.


porte un privilège du roi, donné à Huart, libraire, le 14 juillet 1734. Et on lit sur le registre de l’Académie française :


Du lundi 30 août 1784.

M. de Montesquieu, l’un des Quarante, et auteur du livre imprimé depuis peu, et lequel a pour titre : Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, a présenté à l’Académie un exemplaire de son ouvrage[1].


De tous les écrits de Montesquieu, c’est celui qui est resté le plus populaire. Le temps n’en a point affaibli la célébrité. Depuis d’Alembert qui veut qu’on l’intitule : Histoire romaine à l’usage des hommes d’État et des philosophes, jusqu’à Villemain qui l’appelle un monument du grand art de composer et d’écrire[2], l’éloge est universel. C’est une œuvre classique qu’on met entre les mains des jeunes gens comme un modèle achevé.

Bien des causes expliquent ce succès : le sujet ; c’est l’histoire de ces Romains qui ont marqué le monde entier de leur empreinte ; la forme, qui permet de saisir en raccourci la longue histoire de l’enfance, de l’âge mûr, de la vieillesse et de la mort de ce peuple puissant qui durant tant de siècles occupa l’univers de sa gloire et de ses malheurs ; le style, formé sur les classiques latins ; la vivacité et la profondeur des réflexions qui, en quelques mots, résument des volumes entiers. C’est un de ces chefs-d’œuvre littéraires qui sont l’honneur d’un siècle et d’un pays.

La Harpe suppose, je ne sais sur quel fondement, que les Considérations faisaient partie du plan primitif de l’Esprit des lois. « Il est probable, dit-il, que l’auteur se détermina à faire de ces Considérations un traité à part… afin que les Romains seuls ne tinssent pas trop de place dans l’Esprit des lois, et ne rompissent pas les proportions de l’ouvrage. » La supposition n’a rien d’invraisemblable ; mais il est tout aussi naturel de croire que Montesquieu, grand admirateur de Florus et de Tacite, a été séduit par l’idée de rivaliser avec eux, et qu’il a voulu s’essayer sur un beau sujet et se faire la main avant d’achever l’Esprit des lois.

  1. Montesquieu. Bibliographie de ses œuvres, par Louis Dangeau. Paris, 1874, p. 9.
  2. Tableau du XVIIe siècle.