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LE TEMPLE DE GNIDE.

J’allais atteindre enfin sa retraite charmante
Mais elle est d’un tel prix qu’il ne la peut quitter

C’est ainsi que résiste une tendre fauvette,
Qu’auprès de ses petits l’amour semble enchaîner :
Sous la main qui s’approche, immobile et muette,
Rien ne peut la contraindre à les abandonner.

Thémire entend ma plainte, et devient plus sévère ;
Elle voit ma douleur, et ne s’attendrit pas.
Je cessai de prier, et je fus téméraire :
Thémire s’indigna ; je craignis sa colère ;
Je tremblai, je pleurai ; bientôt nouveaux combats,
Nouveau courroux… enfin je tombai dans ses bras,
Et mon dernier soupir s’exhalait sur sa bouche ;
Mais en me repoussant, Thémire moins farouche
Met la main sur mon cœur… et j’échappe au trépas.

Pour me désespérer, que t’ai-je fait ? dit-elle.
D’une indiscrète ardeur modère le transport :
Va ! je suis moins que toi dure, injuste et cruelle ;
Je n’eus jamais dessein de te causer la mort,
Et tu veux m’entraîner dans la nuit éternelle !
Ouvre ces yeux mourants, au nom de nos amours,
Ou tu verras les miens se fermer pour toujours.
Jusqu’au dernier moment, Thémire inexorable,
À force de vertu, rappelle ma raison :
Elle m’embrasse, hélas ! et j’obtiens mon pardon ;
Mais sans aucun espoir de devenir coupable.

FIN DU IVe ET DERNIER CHANT.