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LE TEMPLE DE GNIDE.


De sa voix que sans trouble on ne saurait entendre,
De ses appas qu’on loue et qu’on sent encor mieux ?

Sans fierté, sans caprice, oubliant qu’elle est belle,
Camille, si l’on veut, pense profondément ;
Si l’on veut, elle rit, et dans son enjoûment
Les Grâces badinent comme elle.

Tout ce que fait Camille a la simplicité
De la plus naïve bergère :
Ses chants peignent la volupté :
Danse-t-elle ? on croit voir une nymphe légère.

Camille sans effort se plie à tous les goûts :
Plus vous avez d’esprit, plus son esprit vous flatte ;
C’est une raison fine, adroite, délicate ;
Elle a l’air de penser, de parler comme vous ;
Ce qu’elle a dit, sans peine on croit pouvoir le dire :
Son air est si touchant, son langage est si doux,
Qu’il semble que toujours c’est le cœur qui l’inspire.
Camille en gémissant me presse dans ses bras.
Quand il faut un instant m’éloigner de ses charmes.
Ne tarde point, dit-elle, à te rendre à mes larmes :
Comme si je vivais quand je ne la vois pas !
Je dis qu’elle m’est chère, elle se croit chérie ;
Je dis que je l’adore, et son cœur le sait bien :
Mais elle en est aussi ravie
Que si son cœur n’en savait rien.
Je lui dis qu’elle fait le bonheur de ma vie :
Elle dit que la sienne à la mienne est unie.
Enfin je suis payé par un si doux retour,
Que j’ai presque la folle envie
De croire son amant digne de tant d’amour.

Depuis un mois, Camille avait touché mon âme,
Et je n’osais encor lui parler de ma flamme ;
Tremblant de me trahir par un mot indiscret,
J’aurais voulu moi-même ignorer mon secret ;