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LETTRES PERSANES.




LETTRE II.


USBEK AU PREMIER EUNUQUE NOIR.


A SON SÉRAIL [1] D’ISPAHAN.


Tu es le gardien fidèle des plus belles femmes de Perse ; je t’ai confié ce que j’avais dans le monde de plus cher : tu tiens en tes mains les clefs de ces portes fatales qui ne s’ouvrent que pour moi. Tandis que tu veilles sur ce dépôt précieux de mon cœur, il se repose et jouit d’une sécurité entière. Tu fais la garde dans le silence de la nuit, comme dans le tumulte du jour. Tes soins infatigables soutiennent la vertu, lorsqu’elle chancelle. Si les femmes que tu gardes voulaient sortir de leur devoir, tu leur en ferais perdre l’espérance. Tu es le fléau du vice, et la colonne de la fidélité.

Tu leur commandes, et leur obéis ; [2] tu exécutes aveuglément toutes leurs volontés, et leur fais exécuter de même les lois du sérail ; tu trouves de la gloire à leur rendre les services les plus vils ; tu te soumets, avec respect et avec crainte, à leurs ordres légitimes ; tu les sers

  1. Sérail, et mieux séraï, signifie palais, et n’est point synonyme du mot harem, qui désigne le lieu où les femmes sont enfermées.

    Les éditions du dernier siècle écrivent toujours serrail.

  2. A. Et tu leur obéis.