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LETTRES PERSANES.




LETTRE PREMIÈRE.


USBEK A SON AMI RUSTAN.


A ISPAHAN.



Nous n’avons séjourné qu’un jour à Com. Lorsque nous eûmes fait nos dévotions sur le tombeau de la vierge qui a mis au monde douze prophètes, [1] nous nous remîmes en chemin ; et hier, vingt-cinquième jour de notre départ d’Ispahan, nous arrivâmes à Tauris.

Rica et moi sommes peut-être les premiers, parmi les Persans, que l’envie de savoir ait fait sortir de leur pays, et qui aient renoncé aux douceurs d’une vie tranquille, pour aller chercher laborieusement la sagesse.

Nous sommes nés dans un royaume florissant ; mais nous n’avons pas cru que ses bornes fussent celles de nos connaissances, et que la lumière orientale dût seule nous éclairer.

Mande-moi ce que l’on dit de notre voyage ; ne me

  1. Fatime, fille de Mahomet, femme d’Ali, est honorée à Com, ou Koum, ville de Perse, à cinquante lieues d’Ispahan. Sa mosquée est magnifique ; son tombeau, entouré de marches d’argent massif, est élevé de douze pieds et couvert d’un drap de velours blanc. Les fidèles l’appellent dans leurs litanies : Vierge très-pure, très-juste et immaculée, mère des douze vrais vicaires de Dieu, d’illustre naissance. Le peuple croit que Dieu enleva Fatime au ciel, que son tombeau ne renferme rien et n’est qu’un monument élevé par la piété des fidèles. V. Bayle, au mot Fatime.