s’est vengée des mauvais plaisants en les faisant académiciens. Il en est des bons mots contre l’Académie comme des épigrammes contre le mariage ; ce sont des péchés de jeunesse dont on fait pénitence dans ses vieux jours.
- Mais voici qui mérite attention :
- « Paris, 17 décembre 1727.
« M. le président de Montesquieu a remercié l’Académie le jour même qu’elle était assemblée pour l’élire. [1] C’est M. le maréchal d’Estrées qui a apporte le remercîment. Je sais certainement qu’il a été tracassé pour les Lettres persanes, que le cardinal a dit qu’il y avait dans ce livre des satires contre le gouvernement passé et la régence, que cela marquait un cœur et un esprit de révolte, qu’il y avait aussi de certaines libertés contre la religion et les mœurs, et qu’il fallait désavouer ce livre. Le pauvre père n’a pu désavouer ses enfants, quoique anonymes ; ils lui tendaient leurs petits bras persans, et il leur a sacrifié l’Académie. Il faut donc chercher un autre sujet académique, on parle de l’abbé de Rothelin, et peut-être de M. le garde des sceaux. [2] »
- « Paris, 22 décembre 1727.
« On m’a assuré que le président de Montesquieu est rentré à l’Académie ; je ne sais par quelle porte. [3] »
- « Paris, 23 décembre 1727.
« Je ne sais pas encore la porte par où M. le président de Montesquieu est rentré ; mais il est rentré. Aurait-il désavoué ses enfants, et ma figure des petits bras persans ne serait-elle qu’une figure ? Que ne ferait-on point pour être d’un corps où vous êtes ? [4] »
- « Paris, 29 décembre 1727.
« Je ne sais point encore comment les portes fermées se sont rouvertes ; on aura peut-être abjuré les Lettres après les avoir avouées, sauf à abjurer l’abjuration entre amis, et combien de peines cela n’aura-t-il point données ? [5] »
Vingt-huit ans plus tard, au lendemain de la mort de Montesquieu, Maupertuis, qui avait été le correspondant et l’ami de l’auteur des Lettres persanes, son confrère à l’Académie française et à l’Académie de Berlin, Maupertuis raconte les événements