aient toujours la tête remplie de secrets importants, de desseins miraculeux, de systèmes nouveaux ; et qu’absorbés dans les méditations, ils soient privés de l’usage de la parole, et quelquefois même de celui de la politesse.
[1]
Dès que le feu roi eut fermé les yeux, on pensa à établir une nouvelle administration. On sentait qu’on était mal ; mais on ne savait comment faire pour être mieux. On ne s’était pas bien trouvé [2] de l’autorité sans bornes des ministres précédents ; on la voulut partager. On créa, pour cet effet, six ou sept conseils, [3] et ce ministère est peut-être celui de tous qui a gouverné la France avec plus de sens ; la durée en fut courte, aussi bien que celle du bien qu’elle produisit.
La France, à la mort du feu roi, était un corps accablé de mille maux : N*** [4] prit le fer à la main, retrancha les chairs inutiles, et appliqua quelques remèdes topiques. Mais il restait toujours un vice intérieur à guérir. Un étranger est venu, [5] qui a entrepris cette cure. Après bien des remèdes violents, il a cru lui avoir rendu son embonpoint ; et il l’a seulement rendue bouffie.
Tous ceux qui étaient riches il y a six mois, sont à présent dans la pauvreté, [6] et ceux qui n’avaient pas de pain regorgent de richesses. Jamais ces deux extrémités ne se sont touchées de si près. L’étranger a tourné l’État comme un fripier tourne un habit ; il fait paraître dessus ce qui était dessous, et ce qui était dessus, il le met à l’envers.