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LETTRE CXXXVII.



LETTRE CXXXVII.


RICA AU MÊME.


Le lendemain, il me mena dans un autre cabinet. Ce sont ici les poëtes, me dit-il, c’est-à-dire ces auteurs dont le métier est de mettre des entraves au bon sens, et d’accabler la raison sous les agréments, comme on ensevelissait autrefois les femmes sous leurs ornements et leurs parures. [1] Vous les connaissez ; ils ne sont pas rares chez les Orientaux, où le soleil plus ardent semble échauffer les imaginations mêmes. [2]

Voilà les poëmes épiques. Eh ! qu’est-ce que les poëmes épiques ? En vérité, me dit-il, je n’en sais rien ; les connaisseurs disent qu’on n’en a jamais fait que deux, [3] et que

  1. Pascal, dans ses Pensées, parle de la poésie à peu près comme Montesquieu, et n’y voit que des mots vides de sens, comme fatal laurier, bel astre, etc., qu’on appelle des beautés poétiques. Voltaire en conclut seulement que Pascal parlait de ce qu’il ne connaissait pas ; et c’est, je crois, la seule fois qu’il ait eu raison contre Pascal. Il fut bien plus en colére contre Montesquieu, qui pourtant avait excepté nommément les poètes dramatiques du mépris qu’il témoignait pour tous les autres. Cela ne suffisait pas, comme de raison, pour apaiser l’auteur de la Henriade, et, quand on lui reprochait les traits qu’il lançait contre Montesquieu, il se contentait de répondre : « Il est coupable de lèse-poésie, » et l’on avouera que c’était un crime que Voltaire ne pouvait guère pardonner. (LA HARPE.)
  2. Mêmes manque dans A. et dans C.
  3. L’Iliade et l’Énéide.