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LETTRES PERSANES.




LETTRE CXIX.


USBEK AU MÊME.


La fécondité d’un peuple dépend quelquefois des plus petites circonstances du monde ; de manière qu’il ne faut souvent qu’un nouveau tour dans son imagination, pour le rendre beaucoup plus nombreux qu’il n’était.

Les Juifs, toujours exterminés, et toujours renaissants, ont réparé leurs pertes et leurs destructions continuelles, par cette seule espérance qu’ont parmi eux toutes les familles, d’y voir naître un roi puissant, qui sera le maître de la terre. [1]

Les anciens rois de Perse n’avaient tant de milliers de sujets, qu’à cause de ce dogme de la religion des mages, que les actes les plus agréables à Dieu que les hommes puissent faire, c’était de faire un enfant, labourer un champ, et planter un arbre.

Si la Chine a dans son sein un peuple si prodigieux, cela ne vient que d’une certaine manière de penser ; car, comme les enfants regardent leurs pères comme des dieux ; qu’ils les respectent comme tels dès cette vie ; qu’ils les honorent après leur mort par des sacrifices dans lesquels ils croient que leurs âmes, anéanties dans le Tyen, [2] repren-

  1. Le Messie.
  2. C’est le ciel des Chinois.