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LETTRE CXVI.




LETTRE CXVI.


USBEK AU MÊME.



Nous avons jusqu’ici parlé des pays mahométans et cherché la raison pourquoi ils sont [1] moins peuplés que ceux qui étaient soumis à la domination des Romains ; examinons à présent ce qui a produit cet effet chez les chrétiens.

Le divorce était permis dans la religion païenne, et il fut défendu aux chrétiens. Ce changement, qui parut d’abord de si petite conséquence, eut insensiblement des suites terribles, et telles qu’on peut à peine les croire.

On ôta, non-seulement toute la douceur du mariage, mais aussi l’on donna atteinte à sa fin ; en voulant resserrer ses nœuds, on les relâcha ; et, au lieu d’unir les cœurs, comme on le prétendait, on les sépara pour jamais.

Dans une action si libre, et où le cœur doit avoir tant de part, on mit la gêne, la nécessité, et la fatalité du destin même. On compta pour rien les dégoûts, les caprices, et l’insociabilité des humeurs ; on voulut fixer le cœur, c’est-à-dire ce qu’il y a de plus variable et de plus inconstant

  1. A. C. Pourquoi ils étoient, etc.