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LETTRE XCVII.


et des peuples qui les observent : ceux-ci ne nous parlent que des lois générales, immuables, éternelles, qui s’observent sans aucune exception, avec un ordre, une régularité et une promptitude infinie, dans l’immensité des espaces.

Et que crois-tu, homme divin, que soient ces lois ? Tu t’imagines peut-être qu’entrant dans le conseil de l’Éternel, tu vas être étonné par la sublimité des mystères : tu renonces par avance à comprendre ; tu ne te proposes que d’admirer.

Mais tu changeras bientôt de pensée : elles n’éblouissent point par un faux respect : leur simplicité les a fait longtemps méconnaître ; et ce n’est qu’après bien des réflexions, qu’on en a vu [1] toute la fécondité et toute l’étendue.

La première est que tout corps tend à décrire une ligne droite, à moins qu’il ne rencontre quelque obstacle qui l’en détourne ; et la seconde, qui n’en est qu’une suite, c’est que tout corps qui tourne autour d’un centre, tend à s’en éloigner ; parce que plus il en est loin, plus la ligne qu’il décrit approche de la ligne droite.

Voilà, sublime dervis, la clef de la nature : voilà des principes féconds, dont on tire des conséquences à perte de vue. [2] La connaissance de cinq ou six vérités a rendu leur philosophie pleine de miracles, et leur a fait faire presque autant de prodiges [3] et de merveilles, que tout ce qu’on nous raconte de nos saints prophètes.

  1. A. C. On en a connu toute, etc.
  2. A. C. A perte de vue, comme je te le ferai voir dans une lettre particulière.
  3. A. C. Leur a fait faire plus de prodiges.