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LETTRE LXVII.




LETTRE LXVII.

IBBEN A USBEK.


A PARIS.



Trois vaisseaux sont arrivés ici sans m’avoir apporté de tes nouvelles. [1]Es-tu malade ? ou te plais-tu à m’inquiéter ?

Si tu ne m’aimes pas dans un pays où tu n’es lié à rien, que sera-ce au milieu de la Perse, et dans le sein de ta famille ? Mais peut-être que je me trompe : tu es assez aimable pour trouver partout des amis ; le cœur est citoyen de tous les pays : comment une âme bien faite peut-elle s’empêcher de former des engagements ? Je te l’avoue, je respecte les anciennes amitiés ; mais je ne suis pas fâché d’en faire partout de nouvelles.

En quelque pays que j’aie été, j’y ai vécu comme si j’avais dû y passer ma vie : j’ai eu le même empressement pour les gens vertueux ; la même compassion, ou plutôt la même tendresse pour les malheureux ; la même estime pour ceux que la prospérité n’a point aveuglés. C’est mon caractère, Usbek : partout où je trouverai des hommes, je me choisirai des amis.

Il y a ici un guèbre qui, après toi, a, je crois, la première place dans mon cœur : c’est l’âme de la probité

  1. A. C. Apporté aucune de tes nouvelles.