LETTRE LIV.
J’étais ce matin dans ma chambre, qui, [1] comme tu sais, n’est séparée des autres que par une cloison fort mince, et percée en plusieurs endroits ; de sorte [2] qu’on entend tout ce qui se dit dans la chambre voisine. Un homme, qui se promenait à grands pas, disait à un autre : Je ne sais ce que c’est ; mais tout se tourne contre moi : il y a plus de trois jours que je n’ai rien dit qui m’ait fait honneur ; et je me suis trouvé confondu pêle-mêle dans toutes les conversations, sans qu’on ait fait la moindre attention à moi, et qu’on m’ait deux fois adressé la parole. J’avais préparé quelques saillies pour relever mon discours ; jamais on n’a voulu souffrir que je les fisse venir : j’avais un conte fort joli à faire ; mais à mesure que j’ai voulu l’approcher, on l’a esquivé, comme si on l’avait fait exprès : [3] j’ai quelques bons mots, qui, depuis quatre jours, vieillissent dans ma tête, sans que j’en aie pu faire le moindre usage.