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LETTRES PERSANES.



LETTRE XLIX.

RICA A USBEK.


A ***.



Étant l’autre jour dans ma chambre, je vis entrer un dervis extraordinairement habillé. Sa barbe descendait jusqu’à sa ceinture de corde ; il avait les pieds nus ; son habit était gris, grossier et en quelques endroits pointu. Le tout me parut si bizarre que ma première idée fut d’envoyer chercher un peintre pour en faire une fantaisie. [1]

Il me fit d’abord un grand compliment, dans lequel il m’apprit qu’il était homme de mérite et de plus capucin. On m’a dit, ajouta-t-il, monsieur, que vous retournez bientôt à la cour de Perse, où vous tenez un rang distingué. Je viens vous demander votre protection et vous prier de nous obtenir du roi une petite habitation, auprès de Casbin, [2] pour deux ou trois religieux. Mon père, lui dis-je, vous voulez donc aller en Perse ? Moi, monsieur ! me dit-il ; je m’en donnerai bien de garde. Je suis ici provincial, et je ne troquerais pas ma condition contre celle de tous les capucins du monde. Et que diable me demandez-vous

  1. Un croquis.
  2. Ville de Perse, célèbre par son monastère. V. inf., lettre XCIII.