Page:Monteil - Histoire du célèbre Pépé, 1891.pdf/47

Cette page a été validée par deux contributeurs.
45
LE MÉCHANT HOMME

Et, le matin, au moment de partir, il lui entoura la main avec des bandes faites d’un vieux mouchoir sale.

— Tu auras l’air d’être blessé ou estropié, dit le méchant homme ; tu n’en seras que plus intéressant.

Il n’était pas content de Paris, le Prussien. Il gagnait moins d’argent qu’il ne l’avait espéré. Pour économiser, il rogna sur sa nourriture et sur celle de Pépé, qui n’eut plus jamais que du pain et de l’eau.

— Oh ! si je pouvais me sauver ! pensait Pépé toujours tenu par la corde passée à son bras. Si je rencontrais Mme Giraud, ou M. Édouard avec Fanny ? Si mon pauvre papa et ma pauvre maman pouvaient me reconnaître ?

Et il essayait de pousser le méchant Prussien vers l’avenue Marceau, quoiqu’il ne sut au juste de quel côté tourner.

Mais le pauvre Pépé ayant l’imprudence de demander au Prussien de l’y conduire, celui-ci s’y refusait constamment et il ne quittait pas les quartiers populeux du centre.

Certains jours, le méchant homme rentrait satisfait de sa recette et il ne grondait pas ; mais quand la journée n’était pas fructueuse, ce qui arrivait le plus souvent, il disait à Pépé :

— C’est toi qui ne cries pas assez fort.

Et il lui donnait des gifles ou des coups de ses grosses bottes hérissées de clous.

— Si je le faisais pleurer dans les cours ? pensa-t-il.

Et il le piqua rudement avec une épingle, quand il eut fini de jouer du trombone.

L’enfant hurla de douleur, si fort qu’on s’informa ce qu’il avait.