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JOURNAL DU MARQUIS DE MONTCALM

imagination. Il est vrai qu’il y a des cabanes habitées par environ trois cents sauvages, et un comptoir au domaine. Jadis c’étoit où se rendoient tous ces sauvages pour vendre leurs pelleteries, commerce qui a été transporté à Montréal, qui est plus à leur portée, et où il s’est établi une grande ville. Le vent qui a été faible toute la journée, et le jusant qui nous a contrariés toute la journée, nous a obligés de mouiller par vingt-cinq brasses à la pointe de l’Île-Verte. J’observai qu’il n’y a point de mouillage par le travers de l’Île-Verte. Il faut toujours mouiller avant ou après ; le long de l’île, le fond est de roche, et il y a plus de soixante brasses. Nous n’avons fait que douze lieues et demie. On appelle jusant le reflux, et le flux s’appelle flot ; comme il est très sensible dans le fleuve Saint-Laurent, il faut y avoir grande attention ; la marée oblige quelquefois de mouiller ; car on ne peut pas passer, quand elle arrive, certains rapides comme le Gouffre et le Cap-Tourmente.

Du 8 mai 1756. — Nous avons mis sous voile ce matin, sur les quatre heures, par un vent de nord nordouest. Nous avons rangé à bâbord la paroisse de Kamouraska ; c’est le parage où les négociants de Bayonne font faire la pêche des baleines. Comme ils avoient discontinué, pour l’encourager, M. Rouillé a établi que le Roi leur donneroit une prime de cinq cents livres par baleine qu’on prendroit. Il y a deux ans, avant la guerre, on y envoya deux bâtiments de Bayonne qui en prirent vingt-sept. Ce qui produit le revenu de cette pêche, ce sont les barbes, qui sont les baleines qu’on emploie pour les corsets et les paniers des dames. Cette marchandise a diminué de prix par