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JOURNAL DU MARQUIS DE MONTCALM

bataillons d’Artois et de Bourgogne. Il faut avoir été longtemps sur mer sans faire rencontre d’aucun bâtiment pour connoître le plaisir que l’on a d’en rencontrer de sa nation, et qui vous donne quelques nouvelles, fussent-elles indifférentes, à plus forte raison, quand elles sont intéressantes. Nous voyons à l’avant de nous trois bâtiments dont un assez gros. On peut bien croire que les lunettes ont été braquées toute la matinée. Nous voudrions bien que ce fût un des vaisseaux de guerre et des frégates parties de Brest après nous ; mais nous les croyons des vaisseaux marchands. Leur arrivée sera toujours satisfaisante pour la colonie, vu la circonstance de la guerre avec l’Anglois, qui fait craindre que les subsistances qu’elle a accoutumé de tirer de France n’arrivent pas. Nous avons rangé à bâbord l’île aux Basques, elle a pris ce nom de ce qu’on y faisoit autrefois la pêche aux baleines. On y voit encore d’anciens fourneaux pour en tirer l’huile. Sur le midi, y ayant calme, nous avons mouillé par le travers de l’île aux Pommes, où il n’y a aucune habitation ; on l’appelle ainsi à cause de la quantité étonnante d’une plante rampante qui produit un petit fruit rouge, ressemblant pour la figure à celui qui est connu dans les provinces méridionales de France sous le nom d’azerole. Dans le printemps, ce fruit est dans sa maturité d’un goût délicieux très estimé des sauvages et des Canadiens. On en fait de bonne liqueur. Sur les trois heures nous avons appareillé, nous avons rangé à tribord la rivière Saguenay et Tadoussac, que l’abbé Langlet et presque toutes les cartes désignent comme une grande ville qui n’a jamais existé que dans leur