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JOURNAL DU MARQUIS DE MONTCALM

rable exempte des autres. Les vents varient depuis deux jours et font le tour de la boussole ; nous avons des brumes, ce qui rend la navigation dangereuse à cause des glaces énormes qu’on a de la peine à apercevoir et éviter. Après dîner, sur les quatre heures, il nous en est venu une considérable sous le beaupré, qui a rasé le vaisseau et contre laquelle il se seroit brisé, si M. de la Rigaudière, qui s’en est aperçu, n’avoit vite crié au lof ! c’est-à-dire de mettre le gouvernail pour venir au vent et éviter par là la glace.

Du 30 avril 1756. — Il fait un froid horrible ; la saison est bien peu avancée pour ces sortes de navigations. Les vents sont ouest, et nous portons le cap vers le nord. La quantité de glaces que nous voyons à tout moment augmente le froid. Nous avons compté jusqu’à seize bancs de glaces à notre alentour, heureusement la brume s’est dissipée cette nuit. Nous jugeons par nos sondes avoir dépassé le Grand-Banc et être sur celui des Baleines ; nous avons profité de l’éclaircie pour prendre hauteur, et nous avons trouvé que nous étions par les 45 degrés 18 minutes de latitude, et estimé être par les 53 degrés 48 minutes de longitude, en comptant le méridien de Paris pour le premier. La terre est tout ce que les marins désirent avec raison le plus ; c’est en même temps ce qu’ils craignent davantage, et ce qui exige le plus d’attention, quand il faut s’en approcher ; d’autant que les diverses estimes que l’on a faites pendant la route, sont souvent sujettes à erreur ; d’ailleurs dans les circonstances, tout contribue à rendre l’atterrage difficile : les brumes, les glaces, et la crainte d’être pris par les Anglois ; ce qui nous