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JOURNAL DU MARQUIS DE MONTCALM

Du 14 avril 1756. — Sur les huit heures du matin, il s’est élevé un vent forcé du sud-est qui a passé de là au nord-est. Il a agité la mer en peu d’heures, de façon à nous faire craindre quelque avarie ou événement fâcheux. Notre espérance est que sa violence en empêchera la durée et qu’au moins il nous pousse en route ; nous avons mis à la nuit des signaux de feu pour nous conserver dans la même route avec le Héros et nous empêcher de nous aborder ; ce temps nous fait faire de soixante-dix à quatre-vingts lieues par jour, encore que nous n’ayons conservé que la voile de misaine.

Du 15 avril 1756. — Le temps continue toujours à être très fâcheux ; le vent semble augmenter, les vagues de la mer sont d’une violence étonnante, et il faut que la frégate, qui va pour la première fois à la mer, soit d’une bonne construction pour y résister. Les coups de mer font entrer de l’eau partout et courent risque de mouiller nos poudres et gâter partie de nos vivres.

Du 16 avril 1756. — Le courage le plus intrépide peut être étonné de la continuité de cette tempête. Nous avons à lutter contre la violence du vent, et encore plus contre celle de la mer. Nos officiers dont plusieurs ont fait douze et quinze campagnes, et le sieur Pelegrin qui en a fait quarante-deux, conviennent qu’ils n’ont guère vu des coups de vent aussi considérables, et jamais de cette durée ; le gaillard d’arrière a été deux fois surmonté par les vagues de la mer : on peut dire que la perte du bâtiment et de l’équipage a tenu à peu dans ces moments. Et c’est bien le temps que les marins appellent le coup de vent du vendredi saint. Nous nous sommes séparés par le mauvais temps et la brume avec