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L’ENFANT PRÉFÉRÉ,
ALLÉGORIE.


L’Amitié est fille du ciel : mais cette brillante origine ne la préserva point des foiblesses communes à l’humanité ; l’Amitié voulut goûter les douceurs de l’hymen. Elle s’unit au Mérite ; ce choix lui fit honneur : l’Olympe et la Terre y applaudirent. L’aimable paix, la concorde régnoient constamment entre ces deux époux ; et la funeste jalousie, ou l’amour-propre déguisé sous le nom de tendresse, ne troubloit point cet heureux ménage.

De cet hymen fortuné naquirent des enfans dignes des auteurs de leurs jours. La douce Confiance, le sage Conseil, la Constance, l’Estime, le Courage et l’Indulgence composoient la famille intéressante de l’Amitié et du Mérite : n’est-ce pas dire que le bonheur étoit fixé près d’eux ? Un jour les deux époux assis sous un berceau de roses, auprès duquel s’élevoient des touffes d’immortelles, s’entretenoient ensemble ; c’étoit dans un de ces instans où le desir repose, où le sentiment seul dicte des expressions touchantes aux époux bien unis. Le Mérite demandoit à sa bien-aimée, si parmi les enfans provenus de leur union délicieuse il n’y en avoit pas un qui lui fit éprouver un sentiment de préférence ? Amitié se défendit long-tems d’avouer une prédilection secrette, qu’elle ne croyoit point accorder ; mais l’époux clairvoyant la pressa d’une manière si vive de s’interroger elle-même, qu’en