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posé à lui être désagréable en obligeant son ex-secrétaire. Mais le ministre d’Espagne, si intimement lié avec son collègue, au dire de Jean-Jacques lui-même, ne lui aurait pas fait l’injure de prodiguer ses amabilités à un agent exclu de l’ambassade de France. Rousseau n’y regarde pas de si près.

Je fus loger chez le chancelier du consulat, pour bien prouver au public que la nation n’était pas complice des injustices de l’ambassadeur. Celui-ci, furieux de me voir fêté dans mon infortune… s’oublia jusqu’à présenter un mémoire au Sénat pour me faire arrêter.

On croirait, à le lire, que le Sénat de Venise était son humble serviteur : n’insinue-t-il pas que le gouvernement eut la courtoisie de l’informer qu’il lui était permis de demeurer dans la ville autant qu’il voudrait ? Il y resta au plus quinze jours après son renvoi, et pendant ce temps il nargua de telle façon le comte de Montaigu que celui-ci présenta, le 31 août, un mémoire au Collège des inquisiteurs pour obtenir son expulsion. Les inquisiteurs d’État auraient accédé volontiers à la requête ; mais ils constatèrent que Rousseau n’était plus à Venise depuis le 28 août[1].

Les dix-huit mois que j’ai passés à Venise ne

  1. M. Ceresole (pp. 14-17) a publié la traduction de la réponse faite par les inquisiteurs d’État au mémoire de l’ambassadeur.