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DÉMÊLÉS DU COMTE DE MONTAIGU

il aurait été plus habile de ne pas le leur dire. Peut-être eussent-ils mieux apprécié les lettres de l’ambassadeur en s’assimilant les utiles conseils qu’elles contenaient, tandis qu’ils n’y relevaient que les critiques qu’il avait l’air et non l’intention d’adresser à son chef hiérarchique. C’est bien sans arrière-pensée qu’il laissa figurer dans sa dépêche du 2 avril 1747 une phrase inspirée par une idée juste au fond, mais trop librement exprimée. Le ministre vit dans cette lettre un manque d’égards que l’ambassadeur était loin d’avoir voulu y mettre : ce fut sans doute sous l’empire de ce sentiment qu’il signifia au comte, le 19 avril, que le roi croyait répondre à ses désirs en le relevant de ses fonctions d’ambassadeur à Venise.

L’annonce de cette nouvelle causa au comte de Montaigu une véritable stupeur. Il avait si peu songé à s’écarter du respect dû à un supérieur qu’il avait inséré une phrase à peu près identique[1] dans sa lettre du même jour au maréchal de Belle-Isle, ministre d’État comme d’Argenson, qui n’en fut pas autrement choqué : en relations d’amitié avec l’ambassadeur, il était habitué à sa franchise.

À peine le comte eut-il connaissance de la décision royale qu’il écrivit au ministre, le 14 mai, une lettre

  1. « Le ministre a mal connu les vrayes intentions de la cour de Venise, par rapport à ce pays-cy, ayant préféré les avis qui luy en ont esté donnez à ceux dont j’ay fait part, qui auroient deub faire prévoir ce qui arrive aujourd’hui… » (Lettre du comte de Montaigu au maréchal de Belle-Isle, 2 avril 1746.)