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VOYAGES

ſans nul meſtier ni office, qui & eſté fille juſques en l’aage de 22 ans, veüe & connuë par tous les habitans de la ville, & remarquée d’autant qu’elle avoit un peu plus de poil autour du menton que les autres filles ; & l’appelloit-on Marie la barbue. Un jour faiſant un effort à un fault, pses utils virils ſe produipsirent, & le cardinal de Lenoncourt, éveſque pour lors de Chalons, lui donna nom Germain[1]. Il ne s’eſt pas marié pourtant ; il a une grand’barbe fort efpoiſſe. Nous ne le ſceumes voir, parce qu’il eſtoit au vilage. Il y a encore en cette ville une chanſon ordinaire en la bouche des filles, où elles s’entr’advertiſſent de ne faire plus de grandes enjambées, de peur de devenir maſles, comme Marie Germain. Ils diſent qu’Ambroiſe Paré a mis ce conte dans ſon livre

  1. Cette hiſtoire eſt rapportée dans les Eſſais de Montaigne, liv. I, ch. 20.