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CHAPITRE III.

beau et continuent à nos reliques. De quoi il y a tant d’exemples anciens, laissant à part les nôtres, qu’il n’est besoin que je m’y étende. Édouard premier, roi d’Angleterre, ayant essayé aux longues guerres d’entre lui et Robert, roi d’Écosse, combien sa présence donnait d’avantage à ses affaires, rapportant toujours la victoire de ce qu’il entreprenait en personne, mourant, obligea son fils, par solennel serment, à ce qu’étant trépassé, il fît bouillir son corps pour déprendre sa chair d’avec les os, laquelle il fit enterrer ; et quant aux os, qu’il les réservât pour les porter avec lui et en son armée, toutes les fois qu’il lui adviendrait d’avoir guerre contre les Écossais : comme si la destinée avait fatalement attaché la victoire à ses membres. Jean Ziska, qui troubla la Bohême pour la défense des erreurs de Wiclef, voulut qu’on l’écorchât après sa mort, et de sa peau qu’on fit un tambourin à porter à la guerre contre ses ennemis, estimant que cela aiderait à continuer les avantages qu’il avait eus aux guerres par lui conduites contre eux. Certains Indiens portaient ainsi au combat contre les Espagnols les ossements d’un de leurs capitaines, en considération de l’heur qu’il avait eu en vivant ; et d’autres peuples, en ce même monde, traînent à la guerre les corps des vaillants hommes qui sont morts en leurs batailles, pour leur servir de bonne fortune et d’encouragement. Les premiers exemples ne réservent au tombeau que la réputation acquise par leurs actions passées ; mais ceux-ci y veulent encore mêler la puissance d’agir.

Le fait du capitaine Bayard est de meilleure composition : lequel se sentant blessé à mort d’une arquebusade dans le corps, conseillé de se retirer de la mêlée, ré-