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CHAPITRE XXVI.

CHAPITRE XXVI.

des récompenses d’honneur.


Ceux qui écrivent la vie d’Auguste César remarquent ceci en sa discipline militaire, que des dons il était merveilleusement libéral envers ceux qui le méritaient ; mais que des pures récompenses d’honneur, il en était bien autant épargnant : si est-ce qu’il avait été lui-même gratifié par son oncle de toutes les récompenses militaires avant qu’il eût jamais été à la guerre. C’a été une belle invention, et reçue en la plupart des polices du monde, d’établir certaines marques vaines et sans prix pour en honorer et récompenser la vertu, comme sont les couronnes de laurier, de chêne, de myrte, la forme de certain vêtement, le privilége d’aller en coche par la ville, ou de nuit avec flambeau, quelque assiette particulière aux assemblées publiques, la prérogative d’aucuns surnoms et titres, certaines marques aux armoiries, et choses semblables, de quoi l’usage a été diversement reçu selon l’opinion des nations, et dure encore.

Nous avons, pour notre part, et plusieurs de nos voisins, les ordres de chevalerie, qui ne sont établis qu’à cette fin. C’est, à la vérité, une bien bonne et profitable coutume de trouver moyen de reconnaître la valeur des hommes rares et excellents, et de les contenter et satisfaire par des paiements qui ne chargent aucunement le public, et qui ne coûtent rien au prince. Et ce qui a été toujours connu par expérience ancienne, et que nous avons autrefois aussi pu voir entre nous, que les gens